jeudi 18 décembre 2008

appassionata mvt 1 première partie

Ludwig van Beethoven. what else? ...... La fin du premier mouvement juste en dessous.

appassionata mvt 1 final

...elle porte si bien son nom

jeudi 4 décembre 2008

ballade brahms

LE coup de coeur, un morceau entendu par hasard à la radio...l'interpétation de mes rêves sur youtube par evgeny kissin http://fr.youtube.com/watch?v=Yc0B0rzCCeI&feature=related

lundi 24 novembre 2008

Engagement physique extrême dans "Infidèle"


Harmonie

Quand tous les muscles de votre corps, tous les neurones de votre cerveau recherchent l'harmonie parfaite pour prendre un peu de hauteur...

Concentration maximale dans "le lépreux"


ne pas regarder en plein écran svp (ou ne regarder que les "prises" de main) ;)

dimanche 23 novembre 2008

le fameux "t'as pas le droit de tomber là", la remarque qui peut tuer

éviter de rappeler au grimpeur qu'il est mort s'il tombe à ce moment-là...Ce bloc d'anthologie s'appelle "lady big claque", remarquable dévers de 6m qui vient surplomber un gros rocher (bien visible à gauche) quasiment impossible à parer : chute interdite, frisson garanti. La suite dans la même veine "parade inutile" : Marco qui grimpe "le gruyère", l'un des blocs les plus hauts de la forêt (environ 10m), fort heureusement facile.

samedi 22 novembre 2008

El poussah et son fabuleux premier mouvement

Un geste inoubliable, au prix d'un bel effort abdominal, le pied droit vient crocheter avec une précision chirurgicale une petite bossette très loin au-dessus de la tête. Merci au pareur de protéger un dos bien exposé dans ce type de mouvements.

jeudi 20 novembre 2008

Les moments de grande solitude : dumb luis facts

En cuisine :
- dumb luis a déjà mis le feu dans sa cuisine, deux fois.
- quand dumb luis vide l'eau bouillante de ses pâtes, il tient la passoire par le dessous.
- quand il était seul, dumb luis a déjà cuit et mangé ses repas dans la même casserole pendant deux semaines sans la laver.
En voiture :
- dumb luis a mis du super 95 dans son diesel.
- quand dumb luis ne trouve pas l'entrée de l'autoroute, il prend la bretelle de sortie en marche arrière (autoroute au pas, rassurez-vous).
Au top de l'équipement :
- dans une cascade de glace, dumb luis a dû lâcher ses deux piolets pour remettre son baudrier qui lui tombait sous les genoux.
- dumb luis s'engage à la tombée de la nuit, en hiver, dans un vallon sous 2m de neige, avec une paire de raquettes qui s'ouvre à chaque pas.
- quand dumb luis a découvert l'escalade il a englouti en solo une voie de 10m avant que le moniteur n'ait eu le temps de lui passer son baudrier et de l'encorder : grande solitude arrivé en haut.
Au travail :
- dumb luis est déjà parti faire cours avec son T shirt doublement à l'envers, inside out et col retourné (heureusement qu'il est passé chez la nounou avant).
- grande solitude lorsqu'un élève dit à dumb luis "...le prof, il a été jeune aussi..."
Fait des "études" :
- aux concours, quand dumb luis n'aime pas la rédaction d'un énoncé, il rend copie blanche et finit le sujet en solitaire, dehors : faut pas se fiche de sa tête.
- dumb luis a séché plusieurs épreuves de concours : faut laisser une chance aux autres.
- en trois ans d'école, dumb luis a assisté à trois cours, les premiers de chaque année : faut pas se faire remarquer.

vendredi 14 novembre 2008

Pamphlet aux héros méconnus

Pamphlet aux héros méconnus


Aux héros méconnus essuyant les stigmates
D’un monde qui s’égare, érigé à la hâte,
Et à toi dont l’honneur injustement bafoué,
Blessé au fond du cœur d’une attaque insensée
Puisses-tu par ces mots retrouver le sourire,
Providentiel remède à nos vies de martyrs.

Si je n’ai eu la chance au détour d’un chemin
De croiser le sillon vertueux d’un des tiens,
J’entendis cependant d’innombrables louanges
Qu’aux côtés de ton nom comme ornements l’on range.
Sois ainsi assuré du soutien de tes pairs
A défaut de celui de monseigneur Terreyre.

Qui inspire ici bas une aussi haute estime
Peut marcher sans rougir l’accusât-on d’un crime


ndla : pour un collègue

lundi 1 septembre 2008

Différent ou le klestril

Différent, ou le klestril

Différent ; j’émerveillai dans une immense chambre dont les murs arrondis vacillaient fantomatiquement derrière une brume fine d’un blanc éclatant presque opaque. Aucun angle ne subsistait : un monde flou, sans brisure ni symétrie. Toute réalité géométrique s’enveloppait rond-et-mollement dans ce manteau d’étrange. Il en rayonnait une douceur envoûtante sur laquelle glissait mon regard insouciant comme luge d’enfant sur collines de neige fraîche. A travers l’imposante fenêtre aux contours inattendus vaguement elliptiques, un ciel gulliveresque explorait grand ouvert le nouvel espace qui s’offrait à lui : pi culminait à 4,14 ce jour là. Le ciel était jaune mais le soleil restait bleu. Un pâle croissant d’étoile et des milliers de lunes scintillantes pourfendaient le firmament, dans leur sillage évanescait une traînée de poudre mauve, insaisissable.
J’escaladai un vasistas incertain arrachant quelques lambeaux de vêtements qui flottèrent un instant en suspension avant d’entamer nonchalamment la valse ascendante des feuilles vives printanières. J’accédai ainsi au salon, le cœur à nu, l’œil curieux. La pièce se projetait à l’infini dans un jeu de miroirs espiègles qui se renvoyaient inlassablement son reflet. J’observai un moment ses rebonds successifs jusqu’à les voir se confondre dans le lointain. Les meubles étaient joyeusement distribués dans un reflet ou dans l’autre, j’aperçus mon pianophone qui me faisait signe du quatrième reflet d’un miroir ovaloïde. Comme j’essayai de le rejoindre, il s’éclipsa brusquement dans le deuxième reflet du miroir opposé d’un éclat de rire martelant. Amusé, je fis un tour et demi et là, dans un léger tournis, je vis pour la première fois, souriant aux côtés de mon pianophone comme une paire de vieux amis : le klestril. Cet instrument légendaire se tenait devant moi, apparu comme par enchantement dans l’un des innombrables reflets de mon salon.
Je m’approchai prudemment craignant qu’il ne s’évapore mais il me souriait toujours d’un air avenant. Il prit le temps de m’observer, je fis de même. Une silhouette élancée, fine et vaguelée, amalgame de fragilité et de force, contrastait harmonieusement avec les courbes rondes et puissantes de mon pianophone. Son bois noble et tendre était habillé d’une mince feuille de velours qui devaient rendre son timbre à la fois clair et chaud. Ses cordes n’étaient liées qu’à sa seule extrémité haute et bénéficiaient donc d’une liberté insolite dont elles jouissaient follement, s’entremêlant inextricablement dans des tourbillons insensés : ainsi s’expliquait la richesse inégalable de ses harmoniques. Les aléas du vent dans ses cordes suffisaient à produire le fameux son cristallin, pur, naturel, d’aucune main humaine souillé.
Sur son invitation, je m’assis discrètement au pianophone, envolant quelques modestes phrases auxquelles se joignirent bientôt ses pénétrantes cristallines. Du coin de l’œil, je voyais vibrer sa foisonnante cordelure dans un désordre aussi saisissant qu’indescriptible. Nous musiciâmes un temps indéfini. Farouche pianophoniste solitaire, j’acceptai comme évidence la compagnie mélodieuse qui me tombait du ciel.
Le klestril réapparut régulièrement dans l’un, l’autre des reflets de mon salon comme un petit lutin malicieux. Il parvint à maîtriser, parfois sublimer mes élans musicaux déjantés, je m’adaptai autant que possible à sa perfection ébouriffée. Rires et émotions. Je crois qu’il me fit l’honneur de son affection, je lui rendais à ma façon, maladroite souvent, sincère toujours. Le temps nous rapprochait, mais je restais impressionné, partant timide, malgré la simplicité de ses visites ; parlant longuement sans dire un mot. J’aurais pourtant aimé en apprendre davantage mais n’osais. Plus loquace que moi, il s’en souciait peu, savait répondre aux questions que je ne posais pas. Pendant ce temps, l’appartenid s’enrobait encore, et l’une de ses occupantes aimée ; une nouvelle pièce naquit couvant l’éclosion d’un adorable bébillon qui piaillait à rouge gorge déployée.
Deux éternités s’étaient écoulées dans ce flou artistique quand le klestril m’annonça son départ. Je n’en fus pas surpris, moi qui le voyais s’évaporer dès notre première rencontre. Le retenir ne m’effleura pas, le klestril ne se nourrit que de liberté, l’en priver serait un crime : deux éternités, c’était déjà un miracle. Je me réjouis de le voir s’enivrer dans les apéritifs de ses nouvelles aventures, chancelant quant à moi des effluves de celle que je venais de vivre. Malgré tous mes efforts, je le quittai comme je le connus, sans dire un mot, ni « bonne chance », ni « au revoir », ni « merci ». Quelque malveillant diablotin me nouait la gorge d’une fine cordelette, me privant d’air, de paroles, m’arrachant les larmes des cieux, me tordant le ventre. Cet ultime instant de timidité je devais le regretter douloureusement ; aura-t-il su entendre une dernière fois ce que n’ai su lui dire ?
Le ciel est bleu, le soleil jaune, la lune et les étoiles ont repris leur lent cours nocturne. Les murs sont droits, les fenêtres rectangles, il n’y a plus de miroirs dans le salon ni de vasistas dans la chambre. Les lambeaux de vêtements qui jonchaient le plafond ont recouvert mon cœur frissonnant. Mais à droite du piano est apparu un vortex filin dans lequel s’enroulent en frise échevelée, un pan de mur, une latte de parquet…un coin de canapé, une aile de piano…comme aspirés par un vide mutin d’où perlent les notes d’un joli rire cristallin.

mercredi 25 juin 2008

L'ennui et le beau

L’Ennui et le Beau

Un soleil suffisamment rare pour être remarqué se fraie un chemin matinal à travers ces pitoyables stores dont le mécanisme soubresautant résiste immanquablement à mon acharnement giratoire. Jus d’orange, couche, biberon, dans l’ordre, pour préserver mon équilibre psychodorsal, et je laisse la pitchoune à ma mère pour remplir mes obligations de surveillance bachelière, armé d’une indifférence et d’une ponctualité royales.

L’ennui, comm’ le quai d’une gare
L’ennui, comme un film de Godard
L’ennui,
C’est la bouche pâteuse au lever le matin
L’ennui,
C’est une fête pieus’ sans bouteilles de vin
L’ennui, dix sept élèves qui composent
L’ennui, de la poésie à la prose

« - Copie ?… - Brouillon… - Vert ?...- Mmh…. (acquiescement de la tête) »
Richesse inouïe du contact humain : un mot seul suffit quand le verbe s’éteint. Que dis-je, un mot ? Un signe, un geste, de la tête ou de la main.
La composition colorée de la salle joue un rôle essentiel dans la prévention de la fraude à l’aube de notre ère post-moderne. Il est donc primordial que tout élève doté de feuilles de brouillon vertes ne soit entouré que d’élèves à brouillons jaunes et vice-versa – ce qui se décline bien sûr à toute paire de couleurs suffisamment distinctes au bénéfice de la santé mentale des enseignants. Le travail de l’artiste-surveillant consiste alors à préserver à tout prix le somptueux mais fragile quadrillage ainsi constitué. Imaginez une seconde la catastrophe esthétique et frauduleuse qui pourrait naître d’un moment d’égarement coupable…J’en frémis…

Une crinière blonde aux teintes orangées,
Une bouteille d’eau sur sa table posée.
Le portrait me revient de l’une puis de l’autre,
Mon regard va et vient de cette une à cette autre
Ce n’est pas le dessin des traits – que je ne vis –
Mais un beau mouvement d’ensemble me surprit.
D’une écriture folle à l’élan saccadé,
Elle fit d’un seul coup la table s’ébranler.
Malgré ce tremblement, de funeste présage,
La bouteille ne vit aucun bas paysage,
Mais – plus frivole – l’eau dans l’hautain récipient
Se mit, elle, à frémir comme mer sous le vent.
Infime vaguelette au soleil exposée,
Etincela bientôt de mil feux enlacés.
Tous ces jeux scintillants projetés au plafond
Subjuguèrent l’ennui dont je fis l’oraison.
Contraste saisissant, insolente, immobile,
La bouteille jamais ne prit part à l’idylle,
Mais ses courbes de femme au pinceau caressées
Se gravèrent en moi, spectateur fasciné.
Car dans sa pureté transcendée par le jour,
Elle était bien semblable à ces fruits de l’amour,
Et sous son bouchon rouge, au vif éclat de lèvre,
On pouvait entrevoir le travail de l’orfèvre.

Aux reflets des vitraux, en cet instant unique,
De l’ennui et du beau, une problématique
Se révéla soudain à mon âme d’esthète
Bousculant sans égard les idées toutes faites.
Comment aurais-je pu ainsi toucher du doigt
L’éphémère beauté dévoilée devant moi
Si j’eus été distrait par une occupation
M’arrachant brusquement à la contemplation ?
Ennui, à travers toi aujourd’hui il émane
De cette eau étoilée à l’ornement diaphane
Un soupçon d’infini, une lueur d’espoir
Qui me tiendront, j’espère, éveillé jusqu’au soir.

choral de cesar franck

vendredi 13 juin 2008

La force du destin

La force du destin

Ma fille est un bonheur.
Au réveil, au lieu d'attirer mon attention par les hurlements assourdissants que justifieraient pourtant dix longues heures de jeûne nocturne, elle me tire de mon sommeil par quelques gazouillis timides et mélodieux qu’une oreille, même endormie, de papa gâteau ne saurait ignorer. Merveilleuse adaptation du primate : elle a su trouver le meilleur moyen de se faire traiter avec amour et délicatesse par un père qui préfèrerait se coucher à l’heure où les autres se lèvent. D’excellente humeur je me tire de mon délicieux univers onirique au cœur d’un Japon improbable que jamais ma conscience ne vit. N’ayant que peu de connaissances et clichés d’un pays qui ne m’attire que par les amis qui s’y trouvent, je gagerais que personne au monde n’eut deviné dans la projection hasardeuse de mes songes la lointaine contrée qu’ils se donnaient l’illusion de parcourir. Je me lève donc, encore pénétré de cette transcendante félicité que seuls nos rêves, malheureusement, ont le pouvoir de nous apporter. La journée s’annonce bien, je prévois de retourner à Fontainebleau après une longue abstinence (depuis le chaos précisément). Je suis accueilli par ma fille comme un oiseau par son oisillon : piaillements, gesticulations désordonnées, bonheur de la tête aux pieds. Exceptionnellement, bonne humeur aidant, je la change et la nourris avant même d’avoir pris le temps d’engloutir mon traditionnel et indispensable verre de jus d’orange.
Quelques heures plus tard, quand j’écris ces lignes, je ne suis plus que souffrance, assommé mais non soulagé par les puissantes drogues doctement prescrites. De tous les désagréments que notre fragile condition biologique nous fait subir, celui de ne pouvoir respirer est certainement le plus pénible. Mon dos est un tapis de braises attisées par chacune de mes inspirations. Chaque bouffée d’air nourrit ma douleur plutôt que mon sang. Quelques respirations anorexiques suffisent à peine à ma survie et me rapprochent, cruel paradoxe, d’une asphyxie qui me semble inéluctable. Le moindre effort me demande davantage d’oxygène que je ne puis en recueillir, ce qui est moins gênant qu’il n’y paraît puisque je suis, de fait, paralysé par la douleur ; mais surtout, ne pas paniquer.
Comment ? Un infranchissable roc bellifontain aurait-il eu raison de ma félinité ? Un meurtrier chauffard m’aurait-il refusé une de ces priorités à droite dont je jouis avec autorité ? Oh non, le destin est plus fort que cela, il assouvit rarement sa soif de pouvoir d’une évidence offerte à son épée. Ces voies sont souvent tortueuses et mesquines : c’est d’une bûche sur la tête et non d’un magistral coup d’épée que Cyrano passa de vie à trépas. Le destin ne se contente pas de vaincre, il cherche à humilier sa victime, lui ôtant jusqu’à sa dignité, seul honneur qui lui reste dans les affres de la défaite.
Vendredi 13 juin à 9h30, je me suis tué en posant ma fille dans son transat avant même d’avoir pris le temps d’engloutir mon traditionnel et indispensable verre de jus d’orange.

jeudi 22 mai 2008

Les portes du chaos

Les portes du chaos

" - ... bon, rendez-vous au parking alors.- Ok, comment il s'appelle déjà, le site?- Videlle les roches. A tout."
Videlle les roches ... rien d'extraordinaire, à première vue. Pourquoi diable n'y ai-je jamais mis les pieds ? Un rapide coup d'oeil sur une carte : à une vingtaine de kilomètres au nord de fontainebleau, le site est aux portes de Paris. Inconsciemment je n'ai jamais du croire que la nature pouvait être belle à moins de 50 km de notre jungle parisienne : sentiment absurde mais tenace qui m'a probablement tenu éloigné jusqu'alors des quelques sites avoisinant la petite ville de Beauvais. Marco a l'air sûr de son coup, je démarre sans grande conviction et sans grande connaissance de la route à suivre d'ailleurs, mon instinct me guidera : je me suis toujours retrouvé dans l'immense forêt de fontainebleau, ce n'est pas dans ce ridicule bosquet à deux pas de Paris que je me perdrai. Inaltérable confiance en moi, arrogante, et pourtant une fois encore, la chance me sourit. Nul ne saura jamais où mon prétendu instinct m'aurait conduit, mais le destin a remis à plus tard la douloureuse prise de conscience de ma faillibilité : je croise la voiture de Marco, pétaradant tranquillement dans les cuvettes de Palaiseau. Un arrêt à l'air de Lisse, super 98 à 1.62, retrouvailles chaleureuses, naribos, cafés et je me cale confortablement dans les roues de Marco, insondable quiétude, le cerveau éteint. Maintes fois la preuve m'en a été faite, s'il est une personne au monde dont le sens de l'orientation est plus aiguisé que le mien, c'est bien mon vieux pote Marco (et le connaissant, il a certainement imprimé le plan). Ma confiance ne fut pas trahie, nous arrivons sans encombre au petit village de Videlle. Bien plat pays dont les vastes champs de blé semblent rivaliser d'horizontalité et d'ennui, il en émane pourtant un charme indéfinissable, qui réussirait presque à apaiser mon âme torturée, amoureuse de paysages grandioses et déchiquetés, d'écueils béants et d'abîmes infinies. Marco et Blandine sont conquis, je garde malgré tout un scepticisme de principe : décor ordinaire de notre morne bassin parisien. Seul un petit bout de forêt aux modestes dimensions nourrit nos sens d'un parfum de mystère au milieu d'une immensité dénudée, offerte à nos yeux.

Nos deux radars combinés nous conduisent vers un innocent chemin qui pénètre timidement dans une forêt d'apparence assez commune. Quelques pavés et écriteaux nous rappellent la proximité envahissante de l'être humain. "Attention, abeilles", lazzis affectueux, s'ils savaient le mal que je me donne pour maîtriser mon incompréhensible faiblesse, notamment depuis que j'ai une fille à protéger de ces stupides erreurs de la nature. S'agissant d'abeilles et non de guêpes, j'avance sans crainte mais prudemment pour me retrouver subitement face au mur inattendu de mes doutes dressé ironiquement devant moi : "plat pays, dites-vous ?". Infranchissable, autoritaire, tel un mur de prison une platière tranchante de 7 m condamne la lisière du bois sur sa plus grande longueur. Plongé brusquement dans un univers imprévu aux frontières du réel, je me retourne instinctivement, mu par un réflexe d'animal capturé : le piège se serait-il refermé sur moi ? Non, une petite sente abrupte et glissante, nous plonge définitivement au plus profond du rêve à travers ronces et racines. Comme deux enfants lâchés au pays des merveilles, nous la dévalons en courant au mépris de tout danger, Marco dérape sur une traîtresse motte de terre, s'étale de tout son long, confortablement emmêlé dans ses deux crash pads, l'instant d'après, la même motte, pied droit, pied gauche, le sol se dérobe, mais le chat tient sur ses pattes, j'évite Marco, m'agrippe à un arbre, fous rires et griffures de ronces. Blandine, plus sage, descend délicatement, le pied sûr. Ilot de verticalité improbable au coeur d'une mer infinie ! Lassée par tant de platitude, la terre s'est permis un caprice, s'affaissant de quelques mètres pour laisser libre cours à la troisième et ultime dimension de ses songes. Mais prudente, elle a enseveli ses secrets désirs dans un magma inextricable d'orties, de ronces, d'arbres et de roches, protégé par ce surprenant rempart. N'avons-nous pas comme elle quelque honteux ou sublime désir, secrètement enfoui dans la jungle impénétrable de notre cerveau ? Quoi qu'il en soit le piège peut se rabattre sur nous désormais, nous irons jusqu'au bout de son rêve, voyeurs indiscrets mais respectueux de ses fantasmes refoulés.
Suivant le vallon et le chemin avec une certaine facilité, nous contournons par la droite une masse sombre et imposante dont les cimes se perdent, mystérieuses, dans les rayons éblouissants du soleil. Mais le plan et l'instinct infaillible de Marco ne s'y trompent pas, c'est hors des sentiers battus, dans les entrailles de ce monstre, que doit s'achever notre périple. Nous attaquons donc le géant minéral par sa face de droite atteignant rapidement l’une de ses arêtes, aux bords de laquelle nous trouvons les premières traces de notre jeu vertical. Moussus et vieillissants, les blocs ont du voir passer bien peu de grimpeurs dans cette partie relativement excentrée du site. Où te caches-tu, terre promise ? Toujours plus haut, toujours à gauche. Cédant encore à la facilité, nous poursuivons vers le haut, évitant les failles sinister et sinistres qui s’enchevêtrent, redoutables, jusqu’aux confins d’un enfer rocheux. Pauvres naïfs, nous prenons pied sur un large chemin ensoleillé où nous ne tardons pas à rencontrer quelques balises de GR et promeneurs retraités. Sur notre gauche, l’enfer nous nargue, sur notre droite, la forêt s’étend, verte et languissante, assouvie. Précieux instants de répit bucolique avant l’assaut final, sous quel visage se dissimulera la prochaine attaque ? Une tranchée, flamboyant au soleil, nous attire vers les profondeurs, flammèche du brasier venue lécher sournoisement les rebords du chemin, séduisante, effrayante, irrésistible. Ses parois aux teintes rouge vif témoignent du drame brûlant et sanguinaire qui se joue à quelques dizaines de mètres sous nos pieds. Le piège est grossier, repère de vipères ou d’autres créatures infernales, quelques pierres feront fuir les mortelles convives, mais sa face sud est sublime, un 6a d’une pureté sans égale, divinement vertical, qui débouche à même le chemin. L’endroit est idéal pour déposer nos encombrantes affaires, nous y reviendrons à « l’échauffement », pour le moment notre quête est ailleurs, une seule flammèche du feu sacré ne peut satisfaire notre téméraire curiosité. Refusant la porte béante qui s’ouvre devant nous, nous attaquons la bête par surprise, plongeant résolument sur la gauche au gré de notre instinct.

L’accès est fastidieux, nos mollets lacérés subissent les défenses végétales compactes du géant de pierre. Persévérer. La végétation se raréfie puis disparaît laissant enfin place au plus invraisemblable des chaos rocheux qui soit. Qu’ils sont nombreux pourtant ces fameux chaos de la forêt de Fontainebleau, célèbres dans le monde entier, la Dame Jouanne, le désert d’Apremont…rien, absolument rien ne peut être comparé à l’abomination meurtrière qui s’étend sous nos yeux. Monstre assoiffé de sang, aux arêtes acérés, aux gouffres sans fonds, aux crevasses imprévisibles, chaque pas est un réflexe de survie, chaque saut s’achève dans l’inconnu, chaque touffe de mousse peut faire basculer notre existence à jamais. Pourtant dans les aspérités les plus folles, quelques modestes flèches témoignent de l’activité courageuse de nos pairs. Comment ont-ils osé défier le diable ? En style alpin évidemment, quelques spits rouillés en font foi : des grimpeurs suicidaires, il n’y en a pas tant. Pensaient-ils qu’une génération plus tard on viendrait s’attaquer aux molosses muni de trois malheureux crash pads ? Nous n’y songeons même pas à vrai dire, ce serait envisageable pourtant, mais tellement laborieux. Notre plaisir ne consiste pas à déployer des trésors d’imagination pour protéger au mieux tous les aléas d’une chute potentiellement mortelle : si l’on s’y résout de temps à autre pour triompher de quelques blocs majeurs, ce n’est certainement pas la meilleure façon de profiter d’une belle journée ensoleillée entre vieux amis. Oubliant notre activité favorite, nous nous consacrons pleinement au plaisir de gambader follement dans cet univers impitoyable. La dextérité est notre meilleure alliée, l’imprudence notre pire ennemi, concevoir un audacieux équilibre entre les deux est notre jeu. Plus bas renaît le monde végétal, multipliant les pièges, cachant les crevasses, déroulant des tapis de mousses perfides. Le jeu est banni, ce serait folie, et pourtant Marco, non Marco…Un saut ? Un sot ! « Si ça glisse … » dit-il, et il se jette…un saut sans élan possible, un mètre cinquante vers l’avant, presque un mètre vers le haut pour atteindre l’extrême bord d’un rocher très raide, recouvert d’un manteau de mousse humide. Comment a-t-il pu espérer que cela tienne ? Mille fois nous avons dérapé sur cette mousse, sans même sauter, sur un support horizontal. Les chances de succès étaient inexistantes. Serait-ce lui, le démon, maître de ces lieux ? Aurait-t-il déroulé lui-même ce tapis de mousse pour le savoir fiable ? Quelle confiance ! Quelle inconscience ? L’inconscience ne peut se juger qu’en connaissant ses limites, or les limites de cette incroyable force de la nature, je ne les ai jamais entraperçues. Certes, mais la réussite dépendait si peu de lui... Plongé dans un abîme de perplexité, n’étant pas à l’abri moi-même de certains excès que d’autres (même Marco) qualifient de folies, mais qui me semblent à moi plus raisonnables au vu de mes aptitudes, je me gardai donc de tout commentaire, félicitant l’exploit mais contournant l’obstacle par le bas. Il faut préciser bien sûr que la chute ici n’était pas fatale, au pire risquait-il quelques jambes ou chevilles cassées… Oui, mais c’était quasiment inévitable ! Beauté du geste, tourment de l’esprit… Plus loin nous reconnaissons le vallon de départ, nous avons donc contourné puis transpercé la bête, sans armes ni picadors, toreros intrépides. Remontant par la droite, nous atteignons finalement une tranchée semblable à la première, la suivons jusqu’au bout pour accéder logiquement au GR où nos affaires se dorent au soleil à quelques jets de freesbee.

Marco et moi engloutissons le 6a avec volupté, Blandine, notre talentueuse amie, proche de son niveau max, éprouve quelques difficultés liées à sa « petite » taille. Pendant que nous cherchons ensemble la solution à son problème, nous sommes rejoints par Julien qui nous a retrouvé au prix d’un parcours épique. Rien n’y fait, il manque 2 centimètres à Blandine, je me penche au sommet, bien tenu par Julien, saisis sa main au vol et le tour est joué, filmé par Marco. Après avoir cherché vainement un bloc au milieu des orties nous décidons de changer de site, cap sur la padôle et sa fameuse « loco », formidable roc de 6m dont la forme évoque vaguement une grosse locomotive. Plusieurs voies sont ouvertes sur ce bloc, avec un engagement physique et mental inévitable proche de l’exposition, notamment sur « carte orange » (7b), notre projet. Chutes de 4-5 m délicates, il s’agit de viser un petit espace de survie bien étroit entre deux gros cailloux. Un pareur sur chaque caillou, trois crash pads au centre, nous sommes à l’abri de toute éventualité fâcheuse. Julien est le plus à l’aise, manque de peu la sortie, Marco s’en sort pas mal non plus, je me sens bien maladroit de mon côté, en panne de confiance après un mois de blessure. Alors que l’orage gronde au loin, Julien doit nous quitter, nous rejoignons Blandine, plongée dans la méditation. L’atmosphère dramatique est propice aux vagabondages de l’esprit : méditation, spiritisme…les premiers éclairs déchirent l’air encore sec. Je me retire à mon tour, laissant les deux amoureux essuyer seuls la colère vengeresse du titan au sanctuaire profané. Mais ses tentacules ruisselants me rattraperont sur la route, guettant un moment d’inadvertance pour me précipiter dans le chaos. Jetant mes dernières forces dans ce combat sans merci, je parviens à m’extirper de l’enfer. Le soleil reparaît, dans mes rétroviseurs je contemple, fasciné, un arc-en-ciel somptueux. Dernière ruse séduisante du malin pour me détourner de la route salutaire ?
Au même instant, le ciel s’endeuillait à Paris, sinistre…