lundi 12 février 2007

un élan de tristesse

l'histoire d'un jour qui devait être le bon, lever 7h pour aller en cours, un rapide coup d'oeil sur la météo : éclaircies et averses dans l'après midi. Ça fait 10 jours que j'attends une ouverture pour concrétiser un rêve de tristesse, les derniers essais avaient été plus que prometteurs malgré des conditions d'adhérence médiocres. 8h-11h cours de chimie, le sol est trempé à 8h (c'était prévu) mais le vent fait rapidement son oeuvre et je vois de ma salle l'humidité s'en aller peu à peu au grand étonnement de mes élèves qui se demandent pourquoi j'ai le nez collé à la fenêtre. Les mains sont moites et le coeur bat à 5000. 11h quelques formalités à régler puis je file chez moi me changer, avaler un sandwich et vroum... je dois être de retour avant 18h, j'ai une réunion parents profs importante. 13h j'arrive à bleau, les blocs sont secs comme je l'espérais. Sans même prendre le temps de me chauffer je me jette sur tristesse. Le bloc est grand (9-10m) le bloc est imposant, le bloc est majeur. Deux mouvements extrêmes sur 4m font toute la cotation du bloc (7c), le reste en 6a maximum n'est qu'une histoire de calme. Je n'ai jamais réalisé le deuxième mouv mais je maîtrise le premier. Je suis seul, il y a du vent et j'ai froid. Il me faut dix bonnes minutes et 5-6 essais pour refaire le premier mouv. 20 minutes environ et une dizaine d'essais encore pour me mettre dans la position pour engager le deuxième. Et là le drame, une petite bruine vicieuse a commencé à mouiller la prise clé et je paie cash : énorme chute imprévue au pire moment, heureusement je connais bien la position des obstacles au sol et je réussis à éviter une grosse pierre au risque de me casser un bras. La pluie ne tombe plus, mais le vent gronde de plus belle, je suis un peu choqué, je retape un essai sans conviction : j'ai peur. Dépité je passe à un autre bloc (bas) pendant 45 minutes environ sans succès, le moral n'y est plus, je m'en retourne à mes affaires qui traînent avec humilité aux pieds de tristesse. Allez un petit rayon de soleil, ça mérite bien une dernière tentative. La prise est sèche, je sens mes doigts s'agripper avec force et j'arrive à engager le deuxième mouv sans succès mais c'est bon pour ce que j'ai. On est reparti pour quelques runs, ça progresse, plus que 10 cm, plus que 5...je crie, je hurle, la frustration et l'envie irrésistible me regagnent. Et soudain un instant de magie, j'envoie ma main gauche au bout du monde et ça tient, l'émotion est énorme, cette impression d'aller là où peu d'hommes sont allés (certains des tous meilleurs grimpeurs du monde se sont cassés les dents sur ce bloc). La suite je me la suis faite dans ma tête des centaines de milliers de fois, je connais chaque mouvement, j'ai lorgné chaque prise et je progresse sans réfléchir: 5m, 6m.... une prise est sale, je réfléchis, je doute, donc je ne suis plus. Ce qui ne devait pas arriver arriva : je commets l'erreur de regarder vers le bas, j'aperçois, minuscule, mon crash pad au milieu des pierres. Si je glisse sur cette foutue prise c'est la chute, je risque très gros, si je saute je peux viser mon crash et survivre. Le mouvement à faire est d'une simplicité enfantine pourtant je n'hésite même pas : le vent, le froid, la pluie ont eu raison de mon courage, je saute. La chute est très très rude mais bonne, je m'en remets doucement mais la pluie s'invite à nouveau, un dernier essai pourri puis l'averse fatale. Les cordes tombent du ciel, il est4h je dois rentré. Un rêve naît et puis s'en va. à plus les amis, quelle tristesse!!

ndla : 5 jours plus tard le 17 février 2007, j'enchaîne enfin tristesse. La photo ci-dessus a été prise par un ami le jour même : il s'agit du fameux deuxième mouvement, main gauche au bout du monde.